Au cours des dix dernières années la tendance du côté des commerçants a été de pister toujours plus les consommateurs et de recueillir leurs données personnelles afin d'anticiper leurs souhaits, au point qu'on finit par se demander quel choix leur est encore laissé. Mais de nouveaux outils de gestion de cette relation se dessinent, en rupture avec les pratiques en vogue. Les consommateurs vont-ils récupérer leur liberté? C'est le pari d'un nouveau modèle: l'économie de l'intention. Au coeur de ce modèle, la gestion de la relation vendeur (vendor relationship management, VRM).
ParisTech Review – Votre postulat de départ sonne comme une affirmation : la tolérance du public face à des pratiques de marketing intrusives est de plus en plus réduite. Est-ce une question de vie privée ?
Doc Searls – Oui, les questions de confidentialité sont présentes, mais ce n’est là qu’un aspect du problème, la protection. Les gens se sentent exposés, et ont le sentiment qu’on a pris un certain nombre de libertés à l’égard de leur vie privée. L’autre aspect, c’est la liberté, une liberté d’action et d’expression. On devrait avoir la possibilité de faire des choix, au lieu de se cantonner à ce que les vendeurs choisissent, eux, de mettre sur le marché.
Disons les choses clairement : ce qu’on appelle « l’économie de l’attention » et qui est à la base du commerce en ligne a fait de tels progrès que les spécialistes du marketing ont acquis un pouvoir énorme. Un certain nombre d’outils ont été développés pour suivre et pister les gens. Le « Big Data » est venu ajouter encore plus d’outils à cette boîte à malice. Et par voie de conséquence, la liberté de choix du consommateur tend à devenir une simple fiction. Ainsi, aujourd’hui, le « libre marché » se résume en réalité à « choisir de qui on va être l’otage ».
Comment en est-on arrivé là ? Pour faire vite, afin de capter notre attention, les producteurs de contenu et les annonceurs ont développé des techniques et des stratégies qui ont transformé la plupart des pages que l’on voit sur nos écrans. Il y a encore dix ans, ces pages étaient conçues pour être lues par tout un chacun ; à présent, elles sont « personnalisées ». C’est-à-dire qu’elles sont remplies de contenu et de suggestions faits sur mesure pour vous. Dans un futur proche, même les prix des articles proposés seront définis en fonction d’un profil de consommateur sur lequel vous n’aurez quasiment aucun contrôle. Nous sommes donc très loin des principes de la libre économie.
Faut-il y voir un complot ?
Bien sûr que non. L’idée de base derrière l’économie de l’attention est d’ordre pratique. Avec internet et l’accès presque illimité à une gigantesque variété de contenu qu’il permet, c’est précisément votre attention qui devient le facteur rare et par conséquent limitant dans la consommation d’information. Donc, le défi pour les producteurs de contenu et les intermédiaires est de mieux gérer le flux d’informations. Ils le font en créant des filtres pour s’assurer que le premier contenu sur lequel vous allez tomber sera pertinent – autrement dit, compatible avec toutes les informations qu’ils auront jusque-là réussi à obtenir sur votre profil.
Le problème, c’est que les premiers bénéficiaires de ces technologies qui ont transformé radicalement les achats en ligne, ce sont la publicité et le commerce. En se concentrant sur vous personnellement, et en se permettant en quelque sorte une « familiarité », les gestionnaires de contenu (des gestionnaires qui sont en fait des algorithmes) affinent ce contenu et le restreignent à ce qu’ils supposent que vous devriez voir. On perd beaucoup de contexte dans la manœuvre. Vous n’avez aucune idée de ce que le vendeur a à offrir indépendamment de ce qu’ils vous montrent – à vous ou à celui qu’ils pensent que vous êtes. Or lorsqu’on en est au point où tous les vendeurs sont occupés à faire du sur-mesure, c’est l’univers commercial qui entoure chacun qui rétrécit. De même que la fameuse liberté de choix. Et de même que la qualité de l’information que chaque vendeur reçoit de ses consommateurs et clients, étant donné que le système oblige les deux parties, l’une comme l’autre, à porter des œillères.
Ce phénomène s’inscrit dans une tendance plus générale qui voit les acteurs les plus puissants créer des silos, et leurs clients n’ont pas vraiment d’autre choix que de payer leur droit de passage au Géant. Mais plusieurs signes semblent indiquer un renversement de tendance. La tolérance se réduit face à ce que le public considère comme des pratiques trop intrusives, la suspicion croît à l’égard des vendeurs, l’irritation va grandissant contre les publicités ciblées… il semblerait bien que nous, les consommateurs, commencions à en avoir assez d’une telle emprise.
S’agit-il d’une révolution ?
Sauf à chercher du côté des minorités de hackers militants, je ne vois pas de révolution ou de refus radical se profiler à l’horizon. C’est une chose de faire des plaisanteries sarcastiques à propos de l’AppleStore ou d’Amazon, mais c’en est une autre d’arrêter d’utiliser ces plates-formes. Ce que j’entrevois, c’est au contraire une manière subtile et pourtant plus efficace de reprendre une partie du pouvoir que nous avons abandonné au fil des ans. C’est ce que j’appelle l ‘«économie de l’intention». Il s’agit d’un renversement de l’initiative, avec des clients actifs qui façonnent les marchés, plutôt que des consommateurs passifs voués à être cornaqués par les vendeurs.
Notez que je fais une distinction entre « consommateurs » et « clients ». Un consommateur (ou, en ligne, un utilisateur) peut très bien ne rien débourser, tandis qu’un client, lui, paie. Dans certains cas, les deux notions ne se chevauchent pas. Par exemple, les consommateurs de Google – les utilisateurs de son moteur de recherche et de ses autres services gratuits – constituent en réalité le produit vendu aux clients de l’entreprise, qui sont des annonceurs. D’ailleurs la publicité télévisée ou radiodiffusée a fonctionné de la même façon pendant plusieurs décennies, avec une scission complète entre les consommateurs et les clients. Dans l’économie de l’intention, les acteurs qui comptent le plus sont les consommateurs qui sont aussi clients, parce qu’ils ont de l’argent qui est prêt à être dépensé, et qu’ils ne sont pas seulement des consommateurs dont c’est l’attention et uniquement l’attention qui est vouée à être vendue à des équipes de marketing.
Dans le passage d’une économie de l’attention à une économie de l’intention, nous passons d’un système en push à un système en pull – dans lequel c’est la demande qui prend la main. En un mot, on pourrait le décrire comme suit : le point de départ est la capacité du client à déclarer ses intentions et à en discuter. Nous devrions tous être capables d’exprimer nos besoins, nos souhaits, nos préférences et notre politique concernant l’utilisation de nos données. Cela exige également des vendeurs intelligents, capables de répondre à des signaux d’intention clairs.
Dans un sens, oui, c’est une révolution, avec des technologies qui s’appuient sur cette dynamique naissante et qui façonnent différentes relations entre les vendeurs et les clients. On peut voir cette révolution non seulement comme un renversement, mais aussi comme le développement d’une relation de plus en plus personnelle entre vendeurs, clients et même consommateurs ordinaires. Il s’agit aussi de rééquilibrer les relations.
Pouvez-vous nous dire plus précisément quelles mesures les clients devraient prendre afin de rééquilibrer et de mieux gérer leurs relations avec les vendeurs ?
Le problème le plus urgent pour les particuliers – qu’il s’agisse de consommateurs ou de clients – est de contrôler la circulation des données personnelles et l’utilisation qui en est faite. Actuellement, nous laissons fuiter une quantité invraisemblable de données personnelles au cours de nos activités du quotidien, aussi bien sur le Net qu’en ville. Nous avons besoin d’un meilleur contrôle de ces flux, car à l’heure actuelle, la détention des outils de contrôle est presque exclusivement du côté des collecteurs de données.
Tout d’abord, nous allons avoir besoin de notre propre espace pour stocker nos données transactionnelles personnelles (par exemple, les reçus qui proviennent de nos achats), nos préférences et la politique que nous aurons adoptée par rapport à l’utilisation de nos données, nos relations avec les vendeurs et avec d’autres entités, telles que des organismes gouvernementaux et enfin les données que nous sommes prêts à partager lorsque nous faisons affaire. Dans le passé, on a appelé cet espace de données personnelles le « stockage », le « casier » ou encore le « coffre-fort » mais le terme le plus en vogue à présent est « le cloud personnel ». Cela fait des années que les grandes entreprises parlent de leur propre « cloud », mais maintenant les individus auront eux aussi leurs « nuages ».
Deuxièmement, des outils émergent d’ores et déjà qui vont nous permettre de dire à des marchés entiers ce que l’on souhaite, de quelle façon, où et quand on sera en situation de l’obtenir, et même combien cela devrait coûter. Nous appelons cela l’« intentcasting » – un exercice de déclaration d’intention. Cela existe dans une forme limitée sur les plateformes sociales, mais un vrai intentcasting ne doit pas se limiter à une quelconque entité commerciale existante. Il faudrait que nous puissions, en toute sécurité, faire la « publicité » de nos intentions d’achat aux vendeurs disposés à écouter et à y répondre, sans pour autant laisser filtrer plus de données nous concernant que ce que nous voudrons bien montrer. Or, si l’option n’existe pas dans l’état actuel des réseaux sociaux de référence (Facebook et Twitter), c’est parce que pour eux nous ne sommes que de simples consommateurs, et non des clients – et dans le cas de Facebook, parce qu’ils sont fort occupés à vendre nos données à des annonceurs.
Troisièmement, il faudrait que l’on puisse disposer de ses propres termes de service et de sa propre politique de confidentialité, de façon à ce que cet ensemble puisse s’articuler entre soi et les vendeurs ou les exploitants de site web. C’est un chantier juridique sur lequel le groupe Customer Commons travaille actuellement à travers Cyberlaw Clinic, la clinique de la loi cybernétique, au Berkman Center de l’Université de Harvard. Si le processus en est encore à ses balbutiements, lorsque ce travail sera achevé Customer Commons sera en mesure de proposer une liste de termes de service à disposition de tout un chacun, de manière tout à fait similaire à ce qui existe depuis plusieurs années pour les artistes qui peuvent opter pour des licences Creative Commons (un projet qui est également né, pour partie, à Berkman).
Quatrièmement, il faudrait que l’on puisse élaborer ses propres programmes de fidélisation. C’est l’exact opposé du modèle en silo qui piste le consommateur à l’heure actuelle.
Soulignons qu’il s’agit bien ici de restituer une part de contrôle à l’individu, et de lui permettre de consolider son pouvoir sur le marché, et non d’opérer une quelconque passation de pouvoir où le vendeur deviendrait inféodé à l’acheteur. Une liberté et un pouvoir de négociation accrus pour les clients se traduiront par une efficacité améliorée du marché et par davantage d’opportunités pour les vendeurs pour dégager des profits et pour gagner la fidélité, plus authentique, de leurs clients.
L’économie de l’intention se construira autour de marchés véritablement ouverts, et non autour d’une collection de silos. Comme je le dis dans The Intention Economy: When Customers take Charge (L’économie de l’Intention. Quand les clients prennent les commandes), « les clients n’ont pas à voler d’un silo à un autre, comme des abeilles qui iraient de fleur en fleur, butinant des informations commerciales (et inévitablement, du matraquage publicitaire) comme autant de pollen. Dans l’économie de l’intention, l’acheteur informe le marché de son intention d’acheter, et les vendeurs entrent en concurrence pour obtenir son acte d’achat. C’est aussi simple que cela. »
Simple… et pas si simple. On peut comprendre votre modèle comme un saut qualitatif, passant des intentions implicites, déduites de notre comportement en ligne par des algorithmes, aux intentions explicites, personnellement déclarées par les particuliers. Mais n’êtes-vous pas en train de faire l’impasse sur notre paresse ?
C’est évidemment un problème, et nous autres, promoteurs de l’économie de l’intention, devons toujours garder à l’esprit qu’entre les activistes du web et l’internaute lambda, il y a un monde. Mettre réellement le client aux commandes est un changement de culture et un véritable défi. Alors permettez-moi d’être clair : je ne table pas sur une soudaine décision de monsieur tout le monde de passer une heure par jour à plancher sur la gestion de ses données. Cependant j’observe une tendance émergente, emmenée par des pionniers – et ces pionniers, ce sont aussi bien des individus que des entreprises. Des activistes ont commencé à ébranler les structures de l’économie de l’attention, et parmi les entreprises, certains outsiders proposent déjà des solutions faciles et pratiques. Même les gouvernements se lancent dans la VRM, la gestion de la relation vendeur (Vendor Relationship Management en anglais), que ce soit concernant les données privées au Royaume-Uni, les données publiques aux Etats-Unis, ou en France avec une initiative Fing, Mes Infos. Le tout a commencé comme une niche, mais cela pourrait très bien se généraliser d’ici un an ou deux.
Pourquoi cela devrait-il donc se généraliser ?
A cause des relations. Les relations sont au cœur du Web 2.0. Nous avons connu – vous, moi, bref, tout le monde – des changements spectaculaires en moins d’une décennie : dans toute relation, nous sommes littéralement « accros » au fait d’avoir notre mot à dire. Nous n’acceptons plus d’être passifs. La seule façon dont nous sentons à l’aise avec une institution, une autorité, un professeur – et également avec un vendeur – c’est d’avoir la possibilité d’être respecté en tant qu’élément actif d’une relation. Un portefeuille ne constitue pas l’une des parties d’une relation ; une personne, si. L’économie de l’intention est construite autour de quelque chose de plus que de simples transactions. Elle prend acte du fait que les relations et le dialogue comptent.
Avec ses outils conçus pour vous suivre et deviner ce dont vous avez envie, je vois l’économie de l’attention comme un premier pas vers la reconnaissance de la dimension personnelle des relations en ligne. Des algorithmes aident les vendeurs à se familiariser avec vous. Mais c’est aussi une façon d’écraser ce qui fait littéralement le cœur d’une personne : sa liberté. Et sincèrement, je ne pense pas que cela puisse durer longtemps. Dès que de vrais outils relationnels seront disponibles du côté de l’individu, et dès que certains de ces outils deviendront viraux sur le Net et se propageront partout, les gens vont se rattraper par le biais de la VRM – pas pour le plaisir de gérer les choses, mais parce qu’ils auront bien plus à retirer d’une véritable relation que d’un système qui ressemble plus à « la balle au prisonnier » qu’à une poignée de mains.
Vous avez écrit que « l’économie d’intention se développe autour des acheteurs, non des vendeurs », ajoutant qu’elle tire sa force du « simple fait que les acheteurs sont la première source de cash ». Qu’est-ce qui pourrait inciter des vendeurs à rejoindre ce mouvement ?
Leur propre intérêt, bien sûr. En équipant les acheteurs, on donne une voix au marché – et donc de meilleures façons de dépenser l’argent. N’est-ce pas là le rêve de tout vendeur ? Si le marketing a été inventé, c’est tout simplement parce que les marchés étaient muets. Des décennies durant il a été le porte-parole des marchés parce que les individus ne pouvaient pas – factuellement – le faire par leurs propres moyens. Aujourd’hui, les marchés – c’est-à-dire les personnes – gagnent jour après jour de nouveaux moyens d’exprimer leurs besoins, leurs préférences, leur politique. Il ne faudra pas longtemps aux entreprises les plus intelligentes pour voir quel genre d’avantage elles peuvent tirer de ces capacités nouvelles qui apparaissent chez les clients. À long terme, les gagnants seront ceux qui auront réussi à reconnaître dans le client le partenaire d’une relation authentique, plutôt qu’un simple « actif » ou une « cible » à « capturer ».
Prenons l’exemple d’une plate-forme événementielle. Eventful.com permet à ses utilisateurs de trouver et d’annoncer des événements locaux partout dans le monde, mais elle leur permet également de faire des demandes pour que des événements et des spectacles se produisent dans leur ville, et le site leur permet de faire passer le mot pour que ces requêtes se réalisent. Au dernier décompte, on dénombrait plus de 126 000 événements demandés sur Eventful.
Un autre exemple très intéressant nous vient de la Chine. Il s’agit du phénomène du tuangou, un « achat en équipe », qui a pour principe de voir des gens qui ne se connaissent pas s’organiser autour d’un produit ou d’un service spécifiques : électronique, ameublement, voitures et ainsi de suite. Ces personnes animées par un même but se retrouvent ensuite dans des boutiques physiques et des salles d’exposition à une date et une heure convenues, dévalisant littéralement le vendeur en négociant un tarif de groupe sur place. Il existe en Chine des sites populaires qui permettent au public de se regrouper en ligne dans un premier temps, puis de planifier leur shopmobbing, ou shopping par harcèlement en réel, comme TeamBuy, Taobao et Liba. Ensemble, ces sites totalisent à présent des centaines de milliers de membres inscrits et gagnent de l’argent grâce aux annonces ou aux commissions de fournisseurs finalement ravis de voir les « hordes » choisir leur magasin plutôt que celui d’un concurrent.
Il y a beaucoup de start-ups dans ce que nous appelons l’« intentcasting »: là, c’est le client qui fait de la publicité – annonçant publiquement ses souhaits et ses besoins – et ce sont les vendeurs qui sont à l’écoute.
Citons Intently, OffersByMe, Redbeacon, Thumbtack, Ubokia, Trovi, PingUp parmi d’autres. Certaines, comme AskForIt, sont des agrégateurs de demande, visant à produire des achats de groupe.
A propos de la façon de gérer la relation, les outils sont-ils déjà en place ?
Un certain nombre d’éléments techniques sont nécessaires : une plate-forme solide devant permettre aux clients de gérer leur identité en ligne sans finir piégés dans un quelconque silo de vendeur, un moyen pour les clients de ne laisser filtrer auprès d’un vendeur donné que les aspects de leur identité qu’ils acceptent de partager (peut-être de façon anonyme), et enfin un outil éprouvé qui permette aux vendeurs d’interagir avec ces clients. Tout cela suggère une infrastructure, or, il en existe précisément une qui est en train de prendre forme : on l’appelle le cloud personnel. On peut se le représenter comme une plate-forme personnelle à l’intérieur de l’espace virtuel. Concrètement, l’interface de ce cloud peut-être un appareil situé dans votre maison ou sur votre main ou réparti sur différents serveurs dans différents endroits du monde. Ce qui importe, c’est que ce nuage est à vous seul.
Cela fait tout juste six mois que les clouds personnels sont apparus, devenant rapidement un sujet brûlant, et beaucoup de développements sont en cours. Il existe une liste de diffusion très active, on observe beaucoup de réunions, et on trouve un wiki à l’adresse personal-clouds.org.
En ce qui concerne les grandes plates-formes commerciales, la VRM suppose pour les clients un certain nombre de droits qui sont très loin de leurs pratiques. Par exemple, les gens devraient avoir le contrôle de leurs données personnelles, et de la façon dont ces dernières circulent. Ces données pourraient s’étendre à l’historique des transactions, aux dossiers médicaux, aux détails concernant nos diverses adhésions, etc. Et chacun d’entre nous devrait avoir son propre dispositif de partage des données, calibré de façon sélective, sans divulguer plus de renseignements personnels que nous ne le souhaitons. Contrôler la façon dont nos données sont utilisées par les sociétés, et pour combien de temps, doit impérativement devenir une possibilité. Et cette capacité devra nécessairement inclure la possibilité de supprimer des données. Elle pourrait également s’assortir d’outils d’opt-out voire d’opt-in concernant la publicité, c’est-à-dire des options de retrait ou d’adhésion.
En fait, c’est l’industrie de la publicité tout entière qui pourrait être amenée à modifier ses pratiques – pour une raison excellente : l’efficacité. La publicité est une forme de signalisation économique. Si la publicité à l’ancienne, celle qui faisait la promotion d’une marque, fonctionnait bien, c’est parce qu’elle était impersonnelle. Elle annonçait tout simplement le nom de la marque et ce que cette dernière représentait, ou ce en quoi ses avantages consistaient. La taille d’un achat médiatique était également un signal économique, un gage de sérieux qui disait « cette entreprise peut se permettre de faire de la publicité ». A l’inverse, aujourd’hui la publicité en ligne à la sauce technologique (adtech), est souvent personnalisée à l’extrême, et elle envoie souvent des signaux totalement erronés, car elle se base sur les conjectures algorithmiques approximatives d’une machine plutôt que de vraiment prendre la peine de vous connaître et de vous respecter. De plus, elle fait mal ce que la publicité à l’ancienne faisait implicitement, en ce que le consommateur pouvait deviner pourquoi une publicité était dans le paysage, et au passage se faire une idée de la taille et du sérieux de la marque.
Au fond, la publicité traditionnelle de promotion de marque et l’adtech, la technologie personnalisée, sont aussi inefficaces l’une que l’autre, parce que la plupart de l’argent qu’on y consacre est gaspillé. En revanche 0% de l’intentcast exprimé par un client dans un marché donné est gaspillé s’il s’accompagne de résultats. Et étant donné que dans la plupart des cas une telle déclaration d’intention d’achat suppose de l’argent prêt à être dépensé, les vendeurs auraient tout intérêt à se ruer vers le signal économique produit par l’intentcast.
En attendant, la publicité a besoin d’une réforme. Nous aurons peut-être besoin de nouveaux codes, avec une signalétique universelle qui montre en un coup d’œil la provenance d’une annonce. Autant que possible, on devrait pouvoir clairement identifier si du contenu publicitaire a été personnalisé ou non, s’il est fondé sur le pistage de données ou non, et s’il est le bienvenu pour l’individu. Autant d’approches qui sont en chantier chez les développeurs de gestion de la relation vendeur, et je m’attends à voir de plus en plus de coopération, à long terme, entre ces développeurs de VRM et les agences de publicité.
References
- BOOKS
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The Intention Economy: When Customers Take ChargeDoc Searls
List Price: EUR 25,48 -
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- Online
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- Daniel Kaplan, MyData : renverser la relation consommateur, concrètement (Internet Actu, 20 septembre 2011)
- Customer Commons (Berkman Center, Harvard)
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