La crise financière mondiale a -et continuera d'avoir- un impact majeur sur le Private Equity. Pour les nouveaux arrivants, l'accès à la dette bancaire pour financer les investissements est de plus en plus difficile et une nouvelle réglementation est en train de se mettre en place. Ainsi, le secteur ne peut plus opérer comme par le passé. Il doit revenir aux fondamentaux, en se consacrant à trois domaines clés : des partenariats plus étroits avec les entreprises dans lesquelles il investit, le renforcement de l'excellence opérationnelle, et l'amélioration de la transparence et du reporting.
La crise financière mondiale actuelle, déclenchée par l’effondrement des crédits immobiliers hypothécaires, a mis à rude épreuve l’activité économique, et le private equity n’en est pas sorti indemne. En effet, les media, les régulateurs, et les clients ont émis des critiques acerbes contre le private equity, en particulier en ce qui concerne les niveaux d’endettement dans les sociétés de leur portefeuille, mais aussi les plans de restructuration rigoureux et l’exploitation de certains avantages fiscaux. La situation est exacerbée par la confusion existant entre le private equity et le secteur des fonds alternatifs à haut risque. En conséquence, le paysage du private equity a changé de façon radicale au cours des 18 derniers mois. Il est e plus en plus difficile de faire appel à la dette bancaire pour financer les projets d’investissement et une nouvelle réglementation est en train de se mettre en place. Ce qu’il faut retenir, c’est que la valeur des nouveaux investissements en private equity à l’échelle mondiale ainsi que les fonds levés ont fortement baissé, de sorte que le niveau atteint l’année dernière était à peu près équivalent à celui de 2002.
Étant donné cet environnement hostile, quel est l’avenir du private equity ? Plus spécifiquement, le redressement à venir de l’économie mondiale sera-t-il suivi d’un retour à la normale dans le private equity? Et quelles sont les mesures que doivent prendre les sociétés de gestion pour surmonter la crise actuelle ? Peuvent-elles continuer à opérer comme elles l’ont toujours fait, où doivent-elles effectuer des changements radicaux dans leurs façons d’opérer ? Ces questions méritent une analyse sérieuse et approfondie, mais avant de nous y atteler, nous devons comprendre avant tout comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle.
Les bouleversements qui s’annoncent
Le resserrement du crédit actuel a sans doute radicalement modifié le paysage du private equity. Après plusieurs années au cours desquelles les conditions de la dette auprès des banques étaient très favorables, l’effet de levier devient difficile à mettre en œuvre et l’ère des “méga-buyouts” est révolue. Selon une étude menée par Dealogic, le montant annuel de la dette pour les rachats avec effet de levier (LBO) est monté en flèche passant de 71 milliards de $ à 669 milliards de $ entre 2003 et 2007. Depuis lors, le marché de la dette est presque atone.
Comme la dette bancaire est devenue difficile (et donc plus chère), les transactions se sont raréfiées. En juin 2007, le montant total des LBO était de 120 milliards de $ tandis qu’en juin 2009 le chiffre n’était que de 9 milliards de $, selon une étude de la Deutsche Bank. Cependant, malgré la baisse du flux des transactions, des LBO petits et moyens continuent d’être réalisés. Même si la dette est devenue plus chère et de plus en plus difficile à obtenir, la possibilité existe encore d’y recourir, et la hausse des taux n’a fait que les mettre au niveau des moyennes historiques. Selon l’étude du Boston Consulting Group (BCG) et de l’Instituto de Estudios Superiores de la Empresa (IESE), les différentiels de taux sont simplement revenus aux niveaux atteints en 2005 au moment où le private equity était en plein essor, et ils sont loin de leurs pics historiques.
Une économie fragilisée combinée à un lourd endettement a eu un effet dévastateur sur nombre d’entreprises qui se sont lancées dans des rachats avec effet de levier depuis le début de 2006. Selon l’étude menée par le BCG et l’IESE, près de la moitié des entreprises en question risque d’être en cessation de paiement dans les trois prochaines années – ce qui représente une perte potentielle de 300 milliards de $. Il est important de noter que, jusqu’au troisième trimestre de 2007, la plupart des secteurs enregistraient une forte croissance de leurs profits et plusieurs business plans à cinq ans ont été élaborés sur la base d’un nouvel accroissement attendu des résultats. Cependant, aujourd’hui, la plupart des entreprises ont enregistré un EBITDA négatif, et cette situation va vraisemblablement empirer, avec des perspectives de résultats négatifs pour nombre d’entreprises, si les volumes des ventes continuent à baisser et que des mesures drastiques ne sont pas prises. De plus, de 2003 à 2007, les multiples d’EBITDA (valeur de l’entreprise divisée par l’EBITDA) ont crû de 41% aux États-Unis et de 43% en Europe, mais en 2008 la baisse de 45% dans les valeurs des actions a fait chuter les multiples, ce qui a entraîné un risque de faillites massives. Une vague de faillites entraînerait, en retour, une crise majeure dans le private equity. Les entreprises les plus diversifiées tendront à survivre, mais un nombre significatif d’entre elles – compris entre 20% et 40%, selon l’étude menée par BCG et IESE – disparaîtra complètement.
Par le passé, les investisseurs institutionnels étaient attirés par le private equity en premier lieu du fait de l’absence de corrélation avec les autres classes d’actifs et en second lieu par sa capacité à générer des hauts rendements. Mais nombre d’autres valeurs comme les obligations, les actions et les biens immobiliers se sont rapidement dépréciées, et de nombreux investisseurs se retrouvent avec une exposition dans le private equity supérieure à ce qu’ils auraient souhaité. En outre, ils sont de plus en plus inquiets quant à l’avenir économique et à l’évolution réglementaire du private equity et, en conséquence, certains d’entre eux tentent à présent de revenir sur leurs engagements soit en demandant des réductions substantielles, soit en menaçant de ne pas honorer leurs échéances. Prenons par exemple, le California Public Employees’ Retirement System (CalPERS), le plus important fonds de pension des États-Unis. CalPERS aurait demandé aux sociétés de private equity de réduire les appels de fonds à venir, appels de fonds sur lesquels il s’était engagé.
Un problème d’image
Le secteur financier cristallise les critiques à la suite de la crise mondiale qui affecte tant d’entreprises et de ménages. Pour l’essentiel, ces critiques sont compréhensibles, étant donné, par exemple, le rôle toxique joué par les instruments financiers tels que les titres synthétiques garantis par des créances (TGC). Mais, pour une large part, les reproches sont très exagérés ou déplacés. Ainsi, la presse et les hommes politiques ont critiqué et accusé le secteur du private equity d’avoir été trop cupide et mû par la seule recherche du profit – sans la moindre preuve que le private equity ait joué un rôle quelconque dans la crise.
En partie, le problème a pour origine l’énorme confusion qui existe entre le private equity et les fonds alternatifs. Les deux sont souvent considérés comme synonymes alors qu’en réalité, ils n’ont rien à voir les uns avec les autres. Les fonds de private equity investissent à long terme (quatre à cinq ans) et suscitent un partenariat entre les gestionnaires du fonds et les dirigeants de l’entreprise en vue de la création de valeur. Les fonds alternatifs, de leur côté, investissent à court terme (six à 18 mois) avec un fort effet de levier (et donc sont plus spéculatifs) ; ils s’intéressent généralement peu à la société cible et à ses dirigeants. Une statistique révélatrice de la différence entre les deux types d’investissement : selon une étude menée par Prequin, les fonds de private equity ont perdu environ 20% de l’argent de leurs clients en 2008 tandis que les fonds alternatifs en ont perdu 47%.
Malgré ces différences fondamentales, les fonds d’investissement et les fonds alternatifs sont souvent mis dans la même catégorie, parfois même par les acteurs du secteur financier. Prenez le cas du projet de Directive de l’Union Européenne pour les Gestionnaires de Fonds d’Investissement (AIFM). Le document initial tentait une approche générale pour réguler l’activité des divers secteurs de l’AIFM, qui dans l’Union Européenne comprend à la fois le private equity et les fonds alternatifs. Même après le relèvement du seuil à 500 millions d’€ d’actifs sous gestion par des gestionnaires de fonds libres de dette et avec une période d’investissement minimum de cinq ans, ce chiffre ne représentait que la moitié du montant que le secteur du private equity souhaitait obtenir.
Bref, le private equity a un problème d’image persistant. Ceci s’explique en partie parce que certaines firmes de private equity se sont de plus en plus orientées vers les investissements à court terme, et qu’elles se sont davantage servies de l’effet de levier pour financer leurs investissements. En d’autres termes, elles sont devenues plus spéculatives, tout comme les fonds alternatifs. À l’opposé, le secteur du private equity doit éviter de telles pratiques et revenir aux fondamentaux. Il doit se recentrer sur les caractéristiques qui, à plusieurs titres, en font une forme supérieure de financement qui a de nombreux avantages.
Les avantages du Private Equity
Une entreprise peut se financer à travers l’emprunt auprès des banques, la bourse, ou le private equity. En général, le private equity, qui consiste à prendre des participations dans des entreprises non cotées, a été plus performant que le marché et les autres classes d’actifs. Prenez, par exemple, le tableau suivant, qui compare les rendements du private equity au marché sur différentes durées de détention des fonds :

Source: Cambridge Associates LLC données fournies gratuitement, Bloomberg, Lehman Brothers, Morgan Stanley Capital 6, International Standard & Poor’s, Franck Russell Company, Thomson Datastream, The Wall Street Journal, et Wilshire.
L’une des raisons de cette différence est que les fonds de private equity s’associent en général avec les entreprises de leur portefeuille et les soutiennent tout au long de la durée de la relation. Ainsi, ils peuvent fournir une expertise dans la stratégie de développement, la recherche de cibles pour la croissance externe, l’analyse des risques, les meilleures pratiques managériales, y compris la participation du personnel aux profits, et les nombreux processus modernes au niveau opérationnel. De plus, ils peuvent aussi offrir un accès précieux à leurs réseaux d’experts du secteur.
À l’opposé, les banques peuvent satisfaire à la fois les besoins financiers à court et long terme d’une société, mais elles tendent à être davantage préoccupées par la limitation de leurs risques que par la croissance des entreprises auxquelles elles apportent des fonds. Ainsi, elles pourraient être réticentes à l’idée d’apporter des capitaux aux petites entreprises non cotées gérées par des entrepreneurs individuels. Cependant, comme on le sait, la prise de participation consiste à acquérir des parts dans une entreprise de sorte que les profits à venir dépendent de la croissance de l’entreprise. En d’autres termes, les actionnaires du private equity sont bien plus liés au destin des entreprises de leur portefeuille, ce qui explique pourquoi, en règle générale, ils n’apportent pas uniquement des capitaux, mais aussi des conseils pour la conduite de l’entreprise et une vision à long terme. De plus, les entreprises qui ont un ratio dette/capital élevé auront souvent des difficultés pour obtenir un prêt bancaire si elles n’augmentent pas au préalable leur capital pour soutenir la dette additionnelle et rassurer leur créancier. Il peut aussi s’avérer difficile d’obtenir un prêt bancaire lorsque les projets à financer ne concernent pas des biens corporels tels que des bâtiments, des matériels, des véhicules, etc. L’obtention d’un prêt bancaire pour financer une nouvelle campagne publicitaire ou l’ouverture de filiales à l’étranger peut souvent être problématique. Dans ces conditions, le financement en capital constitue un avantage majeur en raison de la focalisation de l’investisseur sur le potentiel de croissance de l’entreprise et sur ses perspectives à long terme.
Par rapport au financement par le marché boursier, le financement en capital comporte aussi des avantages. D’abord, la présence sur le marché boursier impose aux petites et moyennes entreprises des coûts qui peuvent être lourds à supporter. Ensuite, les entreprises cotées en bourse doivent se conformer à des obligations de plus en plus strictes en matière de diffusion d’information, de gouvernance et de réglementation, ce qui généralement incite les responsables à adopter des stratégies à plus court terme en raison de l’obligation de reporting. Cette diffusion régulière d’information entraîne aussi des valorisations par le marché qui souvent ne reflètent pas le potentiel réel d’une entreprise, en particulier dans certaines conjonctures financières (comme la crise économique actuelle). Mais cela ne veut pas dire qu’imposer des obligations de gouvernance est nécessairement mauvais ; en outre, les fonds de private equity sont eux aussi réglementés. Le fait est que le private equity adopte généralement une perspective à plus long terme, tandis que la le financement par le marché boursier expose une entreprise à des pressions à plus court terme dictées par l’évolution du marché au jour le jour De plus, le financement en capital peut se faire, au choix, dans la discrétion ou avec une communication publique claironnante, selon les vœux de l’entreprise, tandis que l’appel au marché boursier est toujours porté à la connaissance du public, que l’entreprise le veuille ou non.
Un retour aux fondamentaux
Étant donné les avantages inhérents au private equity, qu’est-ce qui explique que le secteur soit confronté à une crise majeure ? Le problème réside pour partie dans le fait que les sociétés de private equity n’ont pas toujours pleinement tiré profit de leur avantage majeur : la détention sur le long terme des participations dans les entreprises dans lesquelles elles investissent. C’est certainement regrettable parce que les investisseurs sont généralement attirés par ce genre d’approche. Les fonds d’infrastructure, par exemple, ont une durée de vie moyenne de 20 ans, et les capitaux levés auprès des investisseurs institutionnels sont généralement disponibles pour une durée de plus de 10 ans. Mais pour tirer profit d’un investissement sur une durée aussi longue, les sociétés de private equity doivent d’abord revenir aux fondamentaux en ce qui concerne les domaines clés suivants.
Partenariat avec les gestionnaires. Les fonds de private equity doivent se focaliser encore plus sur les partenariats avec les entreprises dans lesquelles ils investissent. Dans une époque comme celle que nous vivons actuellement, ils doivent collaborer étroitement avec les entreprises pour sortir de la crise et déterminer des stratégies et objectifs communs. Ceci implique que les gestionnaires de fonds préparent les entreprises de leur portefeuille à une longue et profonde récession en se focalisant sur les améliorations opérationnelles qui constitueront l’élément majeur de différenciation dans la récession.
Excellence opérationnelle. Selon une étude de la London School of Economics, les entreprises détenues par les fonds de private equity sont mieux gérées que celles détenues par les états, les familles, les fondateurs, et autres particuliers. Elles n’ont pas en général les antécédents des entreprises mal gérées et elles sont particulièrement efficaces dans la gestion opérationnelle. Le private equity doit conserver cet avantage. En réalité, ce devrait être là un objectif majeur. En période de crise, l’incertitude quant à l’avenir peut être un facteur déstabilisant pour les entreprises et leur personnel; une bonne gestion est essentielle pour restaurer la confiance et aller de l’avant.
Transparence et reporting. Les normes réglementaires varient d’un pays à l’autre en ce qui concerne le private equity Par exemple, les sociétés de private equity sont réglementées par l’AMF en France et par SAS 70 Type II aux États-Unis. Certaines firmes de private equity ont aussi décidé d’aller au-delà de cette réglementation obligatoire, par exemple en se conformant au Global Investment Performance Standard (GIPS). À l’avenir, il est probable que les exigences réglementaires vont augmenter à mesure que les hommes politiques se saisiront de l’occasion fournie par la crise financière pour mettre en œuvre de nouvelles règles pour le secteur du private equity. De plus, plus de la moitié des investisseurs dans les différentes régions du monde considèrent que des améliorations s’imposent en matière de transparence et de gestion des risques pour les gestionnaires de fonds. En particulier, selon un rapport de Coller Capital, près de la moitié des « limited partners » (LPs) nord-américains, les deux tiers des européens et les trois quarts des LPs d’Asie Pacifique ont exprimé leur insatisfaction en ce qui concerne le niveau réel de transparence. Étant donné surtout la presse défavorable et la confusion qui entourent les fonds alternatifs, il incombe aux firmes de private equity de s’efforcer plus encore d’ améliorer leurs procédures de reporting et de diffusion de l’information.
Répondre aux critiques
Outre le retour aux fondamentaux, les firmes de private equity doivent aussi répondre aux diverses critiques. Par exemple, on reproche souvent au private equity de trop recourir à la dette bancaire et d’imposer aux entreprises, dans les opérations de LBO, une dette supérieure à ce qu’elles peuvent supporter. En réalité, les gestionnaires de fonds sont généralement très soucieux de choisir un niveau d’endettement compatible avec la croissance d’une entreprise. Après tout, ils n’ont pas intérêt à noyer une entreprise dans une dette excessive dès lors qu’ils doivent supporter eux-mêmes le fardeau de cette dette en tant que principaux actionnaires. En réalité, ceux qui étaient tentés par un recours excessif à l’endettement payent aujourd’hui le prix de cette erreur de jugement. Les entreprises sous LBO ne sont pas les seules à recourir à l’endettement. Selon une étude menée par Ricol, Lasteyrie & Associés, plusieurs entreprises du CAC 40 sont au moins aussi endettées (sinon plus) que les entreprises des portefeuilles des fonds de private equity, comme le montre le tableau suivant :

Source: Ricol, Lasteyrie & Associés, « Profil Financier du CAC 40 2008 », au 31 décembre 2007
Une autre critique formulée est que les firmes de private equity exploitent de façon abusive les avantages fiscaux. L’argument repose sur le fait que les intérêts de la dette constituent une charge au compte d’exploitation, charge qui entraîne donc une diminution de l’impôt sur le résultat. Ainsi, lorsqu’une entreprise est lourdement endettée (de l’ordre de 80 à 90%) elle paiera très peu d’impôt, puisque presque la totalité du résultat sera destinée au paiement des intérêts de la dette. La critique est qu’il n’y a pas de réelle création de valeur, mais plutôt un « transfert » des obligations fiscales entre différents groupes de contribuables, ce qui résulte en une perte substantielle pour l’Etat, et cette pratique est considérée comme injuste et immorale. Mais les fonds de LBO ne sont pas les seuls à user de ce levier fiscal ; les sociétés cotées l’utilisent aussi pour leurs acquisitions. En outre, les firmes de private equity créent une valeur réelle en aidant à transformer sur le long terme les sociétés de leur portefeuille en entreprises plus efficaces et plus efficientes – un fait qui a été corroboré par une étude récente du BCG et et de l’IESE.
Ces transformations d’entreprises réussies font face à un autre type de critique, selon laquelle les fonds de private equity mettent en œuvre de mesures de réduction des coûts et de suppression d’emplois en vue d’améliorer la productivité et l’efficacité des entreprises sous LBO. Mais les membres de l’association européenne des sociétés de private equity (EVCA) et les associations nationales disent le contraire. Selon eux, les entreprises soutenues par les fonds de private equity stimulent l’économie parce qu’elles se développent plus vite que les autres entreprises ; elles investissent lourdement dans la R&D ; et elles se développent à l’international. De plus, elles créent en réalit plus d’emplois que les sociétés cotées. Le graphique suivant, par exemple, compare la croissance annuelle moyenne des emplois dans les entreprises du portefeuille des fonds de private equity et celle des autres entreprises, en Europe et aux États-Unis :

Source: AT Kearney, “Creating New jobs and Value with Private Equity” (2007)
Vers un secteur du private equity plus fort
Nonobstant ces critiques, les fonds de private equity doivent faire face au défi d’être des acteurs à long terme plus responsables en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). En effet, la fonction essentielle des firmes de private equity est de créer de la valeur et d’être un partenaire à long terme des entreprises dans lesquelles elles investissent : la gouvernance est au cœur même de l’approche du private equity. Ainsi, les gestionnaires de fonds d’investissement doivent davantage s’impliquer dans les sociétés de leur portefeuille et jouer un rôle plus important dans l’évolution des pratiques de gouvernance de ces entreprises, que les autres professionnels de l’investissement, tels que les gestionnaires d’OPCVM ou de fonds alternatifs. De plus, la récente série de scandales dans le monde de l’entreprise aux États-Unis et dans la communauté financière a suscité un tollé général et des réactions qui ont affecté des investisseurs institutionnels connus comme CalPERS, d’où une exigence croissante pour une meilleure gouvernance.
Bien entendu, les exigences de l’opinion publique, les investisseurs institutionnels tout comme les contraintes réglementaires doivent peser sur le private equity ; mais l’objectif premier de tout investissement en private equity est une plus-value à la sortie, et il n’ya pas de garantie absolue que des entreprises bien gérées donneront lieu à une sortie profitable et produiront un taux de retour sur investissement élevé. Cependant, diverses études ont montré une corrélation positive entre la gouvernance et la performance de l’action. Par exemple, une étude menée par la Georgia State University, sur plus de 5000 entreprises américaines cotées en bourse, a révélé que de meilleures pratiques de gouvernance tendaient à résulter en une meilleure performance du cours de l’action, de même qu’en une meilleure rentabilité, des dividendes plus élevés, et des niveaux de risques plus faibles que ceux des entreprises du même secteur. De même, une étude menée par Crédit Lyonnais Securities Asia et Asian Corporate Governance Association a révélé une forte corrélation entre la qualité de la gouvernance d’entreprise et la performance de l’action sur une période de cinq ans pour 380 sociétés cotées sur 10 marchés asiatiques.
Bien que la bonne gouvernance ne puisse assurer à elle seule le succès d’une entreprise, elle participe clairement à la performance de l’entreprise. En particulier, une plus grande transparence permet la détection précoce des problèmes de sorte que le management puisse agir avec plus de célérité pour les résoudre. D’autre part, des carences dans la gouvernance, de même qu’une exposition potentielle à des problèmes environnementaux et sociaux, peuvent certainement avoir un impact négatif substantiel sur la performance à venir. C’est pourquoi plusieurs firmes de private equity, dont AXA Private Equity, KKR, Deutsche Asset Management, LGT Capital Partners et OFI Private Equity, ont signé les Principes pour l’Investissement Responsable des Nations Unies (UN PRI). De la sorte, elles se sont engagées à intégrer l’ESG dans leur activité opérationnelle, leurs décisions d’investissement, et leurs pratiques en tant qu’actionnaires. Le but est aussi de s’assurer que les entreprises de leur portefeuille prendront de même en compte les facteurs ESG dans la gestion de leurs affaires.
Le partage des profits est un autre sujet qui mérite d’être abordé. En particulier, les sociétés de private equity doivent mettre en place des règles claires de partage de la valeur créée avec le management et les employés des entreprises dans lesquelles elles investissent. La charte de l’Association Française des Investisseurs en Capital (AFIC) spécifie que la réussite d’un partenariat d’investissement exige à la fois l’alignement des intérêts des parties impliquées et le partage de la valeur créée, en tenant compte des risques pris et des contributions faites par chaque partie. Ainsi, plusieurs sociétés de private equity ont mis en œuvre diverses politiques dans ce but. Selon un récent rapport de Gestion Finance, 20% des sociétés sous LBO ont déjà commencé à partager les profits avec leur personnel, et certaines sorties des fonds de private equity ont donné lieu à la distribution de bonus.
L’avenir du private equity
En dépit de la détérioration du climat du crédit, le secteur du private equity dispose encore de fonds substantiels à investir. Ainsi, Prequin a estimé ces fonds à approximativement 820 milliards de $ en 2009. De plus, on s’attend à une hausse dans les apports des institutionnels aux fonds de private equity. Par exemple, les fonds souverains ont fait preuve d’un appétit considérable pour lle private equity : selon Prequin, ils pourraient contrôler jusqu’à 5 trillions de $ en capital au cours des cinq prochaines années. De plus, le private equity demeure encore une classe d’actifs émergente et, même après avoir franchi la barre de 2 trillions de $, il ne représente que 3% de la valeur de la capitalisation boursière des actions et des obligations, selon un rapport produit par RREEF Research de la Deutsche Bank. En décembre 2008, le Private Equity Intelligence Report prédisait que les actifs gérés des fonds de private equity pourraient atteindre prés de 5 trillions de $ dans les cinq à sept ans à venir. Par conséquent, il est probable que certains risques du secteur soient simplement des risques à court terme. Par exemple, bien que l’effet de levier soit de moins en moins possible, les niveaux et les prix n’ont pas réellement baissé en dessous de ceux de 2005, époque où le secteur était en plein essor. Les investisseurs ont pu faire preuve de prudence, mais ils ont été également optimistes, en jouant un rôle plus actif dans le choix des gestionnaires de fonds, faisant appel à ceux qui sont capables d’obtenir des résultats réguliers et satisfaisants en revenant aux fondamentaux qui ont été cités plus haut.
Cela dit, le secteur ne peut continuer à opérer comme d’habitude. La crise financière mondiale a – et continuera à avoir – un impact significatif sur le private equity. Tout d’abord, une réglementation plus stricte va contraindre à certains changements parce que l’effet de levier ne sera plus un outil aussi efficace qu’auparavant pour améliorer la performance de l’investissement, et aussi parce que l’on exigera un niveau de transparence accru. De plus, l’image du secteur a été sérieusement écornée et il faut prendre immédiatement les mesures correctives qui s’imposent, par exemple en accroissant la transparence grâce à la diffusion d’informations pas seulement aux clients, mais aussi au public, à la communauté financière et aux régulateurs. De la sorte, le private equity sortira de l’ombre pour susciter à nouveau la confiance et réhabiliter son image en tant que source majeure et responsable de capitaux. Rien de tout ceci ne se fera facilement, mais un retour aux fondamentaux est absolument nécessaire. Autrement, l’actuelle crise financière mondiale pourrait s’avérer pire encore pour le private equity qu’elle ne l’est déjà …
References
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